Bonjour à tous,

Par cette douce histoire, Gérard nous propose de sortir de nos vies trépidantes et stressantes pour un moment de sérénité. Suivons Cyan dans sa découverte du tai ji quan.

Belle fin d'année à tous, prenez soin de vous et des vôtres.

La sérénité de l’instant

"La gloriette aux bambous

                              Seul assis au milieu des bambous,

                              Je joue du luth et chante à mesure ;

                              Ignoré de tous au fond des bois.

                              La lune s’est approchée : clarté."

                                WANG WEI  (701 – 761)

La chaleur de ce jour d’été est pesante. Cyan est attiré par la fraîcheur du porche. Il pousse la lourde porte entr’ouverte, se retrouve dans un univers irréel.  Pas un bruit.  Le roucoulement d’une tourterelle, un instant. Il lève les yeux. D’un côté de la cour pavée moussue un cerisier. Un filet d’eau coule d’une source cachée dans l’anfractuosité d’un entrelacs de roches et d’herbes sauvages soigneusement disposées en bordure d’un petit bassin dans lequel quelques poissons rouges se dissimulent. A l’opposé une vaste pièce sans meubles, appuyée contre le mur. Les portes-fenêtres ouvertes laissent passer quelques rayons de soleil. Un vieux monsieur, chinois sans doute, exécute une sorte de danse. Ses bras décrivent des arabesques féeriques, presque irréelles. Il donne l’impression de nager dans l’espace, de flotter en s’appuyant à peine sur le sol. Son corps dégage une impression de grâce et de force. Cyan est certain qu’il l'a vu. Mais il continue, indifférent à la présence étrangère. Subjugué, Cyan ne fait pas un geste. Il ose à peine respirer. Il ne sait combien de temps il est reste ainsi.

Le vieux monsieur a terminé. Il fait un salut et s’avance, en souriant, sur la marche, dans la lumière. « Vous venez de prendre votre premier cours de Taiji Quan : observer», dit-il. Cyan s’excuse en bafouillant et s’apprête à partir. Le vieux monsieur l’arrête d’un geste « vous pouvez rester encore un moment. Je vais vous montrer quelque chose. Voulez-vous ? ». Cyan acquiesce. Intimidé, il rentre dans la grande salle à la suite du vieux monsieur. Ils pénètrent dans un bureau dont la porte est dissimulée au fond de la grande salle par un paravent décoré.

Le vieux monsieur déroule un dessin à l’encre de chine. Il représente un paysage de montagnes noyé une brume lointaine. Au premier plan un oiseau se pose sur la branche d’un arbre, les ailes encore déployées.

« Ce que vous avez vu est semblable à la trace laissée par le vol de ce rouge-gorge. Un instant éphémère. Sur ce dessin l’arbre en fleurs semble émerger d’un paysage de brume hivernale. Cela symbolise le rythme des saisons, comme l’oiseau qui se pose évoque l’alternance de l’activité et du repos. J’aime particulièrement ce dessin qui exprime avec force et délicatesse le YIN - YANG ».

La voix du vieux monsieur berce Cyan. Par un coup de baguette magique il a basculé d’un monde de bousculade dans un rêve éveillé. Un jardin des merveilles en plein Paris. Ce vieux monsieur et sa danse. Tout semble irréel. Il n’entend plus ce que dit le vieil homme. Il s’amuse à observer les rayons de soleil qui jouent sur le papier au rythme du bercement des feuilles de l’arbre. Un oiseau vient se poser sur une branche près de la fenêtre, presque devant eux. Cyan sort de sa rêverie. Il interrompt le vieux monsieur : «  si l’oiseau déploie ses ailes c’est peut-être qu’il a été trompé. Il a cru qu’il pouvait se poser sur la branche. Le vent l’a faite trembler. Il a rencontré le vide ». Le vieux monsieur regarde Cyan avec stupéfaction. Il ajoute « revenez me voir, nous prendrons un thé ».

Gérard Buray